Mme de Pollalion eut une vision qui lui montra comment l’œuvre de l’Union-Chrétienne, à elle confiée, était désignée et voulue par Dieu pour missionner dans l’avenir proche et lointain dans le monde entier. Voilà ce qu’en rapporte l’abbé Collin, principal biographe de cette femme au regard prophétique :
« Madame de Pollalion recommandait beaucoup à Dieu l’exécution des desseins qu’il lui inspirait sur le séminaire et sur tout l’Institut lorsque sa divine bonté voulut lui en montrer les progrès dans la vision qui suit : Il lui fut représenté un grand champ, fort spacieux, attaché au ciel par quatre chaînes d’or qui ne tenaient cependant point à la terre ; sous ce champ était une mer extrêmement agitée qui agitait aussi le champ comme si elle eût voulu le submerger. Ce champ lui parut rempli d’une riche moisson, plein d’épis touffus, de grandeurs différentes, qui étaient attachés à leur tige depuis la racine jusqu’au haut et qui au lieu de blé étaient pleins de pierres précieuses, de couleurs différentes d’une parfaite beauté. Il y en avait de bien plus grands et plus brillants les uns que les autres.
Mme de Pollalion revenue à elle demeura fort en peine de ce que cela pouvait signifier et s’adressa à celui-là seul qui pouvait lui en donner l’intelligence. Dieu se servit de cette figure pour lui faire connaitre par avance tout le progrès de l’Institut. Il lui fut dit que ce grand champ représentait le Séminaire, qu’il serait élevé au-dessus des maximes du monde et attaché au ciel par les vœux dont les quatre chaînes d’or étaient la figure ; que ces épis si grands étaient les sœurs qui devaient travailler au salut des âmes qui seraient sauvées par leur moyen ; que la mer agitée marquait le monde et le démon qui causeraient beaucoup de peine et d’agitation au Séminaire et s’efforceraient de le faire périr mais qu’il serait soutenu par ces quatre grandes chaînes qui, outre la signification des vœux qu’elles représentent naturellement comme autant de liens qui attachent les sœurs à la sainteté de leur état, marquent encore la protection de Dieu sur le Séminaire et sur tout l’Institut. »
Parmi les Dames de la Charité que Saint Vincent de Paul avait su réunir autour de lui figurait Madame de Pollalion, avec laquelle il fonda l’Institut de l’Union-Chrétienne de Saint Chaumond à Paris en 1652.
En 1630, sous la direction de Monsieur Vincent et accompagnée de femmes généreuses, Madame de Pollalion a l’inspiration d’ouvrir une maison pour y accueillir les jeunes filles en difficulté. Cette maison portait le nom d’Institut des Filles de la Providence et était installée à Charonne, alors faubourg de Paris.
En 1648, St Vincent de Paul eut l’intuition de réunir sept de ces âmes généreuses autour de Mme de Pollalion pour se consacrer plus spécifiquement à la formation et à l’éducation des jeunes filles. Quatre ans plus tard, le 17 Octobre 1652, en présence de Saint Vincent de Paul,
« elles promirent à Dieu, par un pur amour, de s’unir à Jésus-Christ par une continuelle méditation et une fidèle méditation de sa sainte vie, de procurer son règne partout, même en pays étrangers et de demeurer unies entre elles du lien indissoluble de la dilection fraternelle, se secourant les unes les autres en tout ce qui leur sera possible ».
L’Union-Chrétienne était fondée.
Ce nom choisi par Saint Vincent de Paul lui-même exprime l’union des sœurs à Jésus-Christ et entre elles. On y ajouta le patronage de Saint Chaumond en raison de l’hôtel particulier où elles demeurèrent dans les débuts, à Paris, et qui portait ce nom. La fondation correspondait à un besoin. Très appréciées, les sœurs furent appelées à fonder plusieurs maisons dans Paris, puis très vite en province. A leur tour, certaines de ces maisons en fondèrent d’autres. les religieuses de l’Union-Chrétienne de Saint Chaumond passèrent sous la juridiction directe du Pape le 15 Mai 1668. Cette approbation qui confirmait les intuitions de Saint Vincent de Paul marqua une date dans l’histoire de la vie consacrée féminine. En effet, la consécration par des vœux était désormais possible en dehors de la vie contemplative et permettait ainsi d’évangéliser le monde féminin là où il se trouvait.
Malheureusement, la Révolution n’épargna pas l’Union-Chrétienne. Dans la tourmente, toutes les Maisons furent fermées et les religieuses dispersées, les biens vendus. Grâce au courage et à l’énergie de Mère Bardon de Lataillée, supérieure de la maison de Poitiers pendant la tourmente, la Congrégation se reconstitua à Poitiers. Elle réunit autour d’elle, d’anciennes religieuses de Poitiers et de Parthenay. C’est ainsi qu’en 1802, Poitiers devint la Maison Mère. Elles reprirent leur œuvre d’enseignement qui redevint florissante. Mais, vers la fin du XIXème siècle, l’Institut eut à traverser une période difficile liée au contexte socio-politique du pays.
Au début du XXème siècle la Providence suscita, en la personne de Mère Cécile Devrièse reconnue par Rome Seconde fondatrice de l’Institut, celle qui saurait revivifier le Charisme primitif. Elle eut la joie d’ouvrir des Maisons nouvelles dans le diocèse de Poitiers puis ceux de Limoges, Bourges, Versailles, Blois et Pontoise.
Et ce fut le départ à l’étranger pour établir des Maisons en Espagne et au Portugal. Une Communauté a aussi pu être établie en Californie depuis 1988.
Saint Vincent de Paul naquit à Pouy près de Dax, le 24 avril 1580. Prêtre à 20 ans. Au retour d’un voyage à Marseille, il fut pris par des barbaresques et emmené en captivité à Tunis. Vendu à un médecin, il apprit à soigner les malades. Revenu en France, après un court séjour à Rome, il se rendit à Paris en 1609 et se mit sous la direction du Cardinal de Bérulle, devint aumônier de la reine Marguerite, puis fut nommé évêque de Clichy en 1612.
Entré comme précepteur dans la famille de Gondi, il ajouta à ses occupations l’instruction des pauvres villageois. Il se fit nommer curé de Châtillon-les-Dombes en 1617. Il fonda la première de ses confréries de Charité dont les membres étaient appelées « Dames de la Charité ». En 1619, le Roi Louis XIII le nomma Aumônier des Galères.
En 1625, il fonda la Congrégation de la Mission : les Lazaristes pour l’évangélisation des paroisses de la campagne. En 1633, il établit définitivement les Filles de la Charité. Entre temps il s’occupa de la formation des prêtres, fonda 2 séminaires. Il organisa l’œuvre des Enfants Trouvés. En 1630 Saint Vincent de Paul fit la connaissance Madame de Pollalion qui était parmi les « Dames de la Charité ». Il la guida quand elle entreprit la fondation des Filles de la Providence et l’aida ensuite à établir le Séminaire de l’Union-Chrétienne en 1652.
Monsieur Vincent est avant tout un apôtre qui puise toute sa force intérieure dans son regard vers le Christ. Il fut l’homme d’action que l’on sait parce qu’il fut d’abord une âme de contemplation, tout emplie de l’amour de Dieu. Pour saint Vincent de Paul, l’union est le fondement de toute vie chrétienne car elle est intimement liée à la charité. Il a communiqué cet esprit d’union à Madame de Pollalion qui comptait parmi ses plus proches collaboratrices.
Monsieur Vincent mourut le 27 septembre 1660.
Marie Lumague naquit à Paris le 29 novembre 1599. Elle fut dès sa jeunesse un exemple de ferveur, d’humilité mais surtout de charité envers les pauvres. En 1617, elle épousa Monsieur de Pollalion gentilhomme ordinaire du Roi Louis XIII. Dieu bénit son mariage par une fille qui naquit en 1618. En 1625, elle perdit son mari. C’est à cette époque qu’elle fit la connaissance de Monsieur Vincent de Paul. En même temps, elle entre dans le Tiers-Ordre de Saint Dominique. En 1629, après son entrée dans le cercle des Dames de la Charité, elle participe à des missions organisées par Monsieur Vincent autour de Paris.
Une de ses préoccupations majeures fut la situation des jeunes filles qui se prostituaient à Paris pour échapper à la misère. Elle en mit à l’abri à l’Hôpital de la Pitié dont Monsieur Vincent était le Supérieur. Ce fut la première origine de la Maison de la Providence.
En Janvier 1648, Monsieur Vincent se rend chez les Filles de la Providence. Il choisit 7 d’entre elles capables d’accomplir et de pérenniser un apostolat en formant elles-mêmes d’autres âmes à cet apostolat. En Octobre 1652, il prêche une retraite à la communauté de Madame de Pollalion, au cours de laquelle les 7 « filles séculières », qu’il avait choisies en 1648, avec Mme de Pollalion, se lient par une règle d’union afin de répondre à tous les besoins de l’Église. L’Union-Chrétienne est fondée. En 1656, Monsieur Vincent remet à Madame de Pollalion les Constitutions des Filles de la Providence et de l’Union-Chrétienne en présence d’Anne d’Autriche.
Les Filles de l’Union-Chrétienne étaient appelées à fonder des Établissements en province pour la conversion des hérétiques, pour l’enseignement et l’éducation de la jeunesse.
Le premier trait qui frappe chez Madame de Pollalion c’est l’abandon et la confiance en la Providence. Cette foi était accompagnée d’une immense espérance et d’une charité non moins vaste. Elle vouait un grand amour au Saint Sacrement. Sa vie en Dieu avait pour effet une grande joie intérieure. La paix de Dieu était la garde de son cœur. Son zèle ne lui laissait aucun répit si bien que Saint Vincent lui-même tâchait de la tempérer dans l’entreprise de ses œuvres.
Madame de Pollalion mourut à Paris le 4 septembre 1657.
Jeanne Devrièse naquit à Lille le 6 novembre 1894. La vocation de Mère Cécile Devrièse fut dès son adolescence une vocation missionnaire. Elle songeait à entrer chez les Franciscaines Missionnaires de Marie quand éclata la seconde guerre mondiale. Elle dut quitter le nord de la France et vint à Poitiers où elle prit pension chez les Dames de l’Union-Chrétienne, rue de la Psalette-Sainte Radegonde (aujourd’hui A. de la Mauvinière).
En 1918, elle décida d’entrer dans la communauté. Elle fit sa profession perpétuelle en décembre 1922. Sœur Cécile de Jésus allait rapidement exercer un profond rayonnement spirituel. En août 1929, elle fut élue, à l’unanimité, Supérieure. A partir de cette date, sa vie se confond avec celle de l’Union-Chrétienne de Saint Chaumond, elle réalisa à son service une œuvre multiforme.
Avec elle, une vie nouvelle fut insufflée à la communauté. Sa confiance en Dieu et sa foi attirèrent les vocations. Elle travailla à l’affirmation du caractère propre de l’Institut en retrouvant ses racines historiques et spirituelles dont on avait perdu les traces depuis la Révolution. Son œuvre de reconstruction du patrimoine a été fondamental pour le nouvel essor qu’allait connaître l’Union-Chrétienne de Saint Chaumond.
Mère Cécile amorça donc une véritable politique missionnaire. Sous son impulsion les Maisons se multiplièrent en France. Et en 1960, l’Union-Chrétienne passa les frontières : ce fut d’abord l’Espagne, puis le Portugal en attendant l’Amérique. En agissant ainsi elle correspondait aux vœux de Madame de Pollalion qui voulait porter la charité dans les 5 parties du monde.
Mère Cécile apparaît comme « une âme de feu, brûlant d’enthousiasme pour annoncer Jésus-Christ et étendre partout avec son règne celui de l’unité et de la paix ». R. Darricau. Son zèle s’accompagnait d’une incroyable persévérance et d’une grande prudence. Elle voulait qu’il porte partout la paix. Saint Vincent lui servait de modèle. Toute ses actions étaient fondées sur une vie intense de prière. Sa relation avec Dieu, elle la cherchait dans la méditation assidue de l’Ecriture et dans l’amour de l’Eucharistie.
Mère Cécile Devrièse retourna à Dieu le 29 octobre 1978, après 50 ans de supériorat. En 1981 elle fut reconnue par l’Eglise, Seconde Fondatrice de l’Union-Chrétienne de Saint Chaumond.